Suite à l'annonce de la signature de Charles chez Ferrari et pour fêter notre 400ème article, nous avons décidé de faire un petit point sur sa carrière. Nous avons donc pensé que ses anciens team managers seraient les personnes les plus légitimes pour nous parler de lui.
Au fil des déclarations, nous avons pu voir une tendance se dégager et qui confirme nos sentiments : Charles est un surdoué, travailleur mais il est surtout doté d'une grande humilité. Cette première partie couvre les années de 2005 à 2013 inclus, soit toute sa carrière en karting tandis que la seconde sera publiée d'ici quelques jours.
A ces responsables d'équipes nous avons posé deux questions.
- Quelle est votre réaction suite à sa titularisation chez Ferrari ?
- Quelle est la chose ou le souvenir qui vous vient en premier lorsqu'on vous parle de lui ?
2005 - 2006 : Yannick Iglesias (Kart In Pro) :
"Je suis très heureux et très fier ! Maintenant il va falloir qu’il continue de travailler et de se préparer pour, je l’espère, qu’il devienne Champion du Monde un jour. Vous savez, Charles est toujours aussi discret. Dimanche dernier par exemple, il est revenu de Magny-Cours et il a pris le temps de s’arrêter sur notre piste de Brignoles pour faire une petite session de kart.
Notre petit Charlot est ici comme à la maison. Il a beau être pilote Ferrari, c’est notre Charlot, quoi ! Je ne peux pas m'empêcher de penser à son père. Je me souviens d’Hervé qui arrivait avec Lorenzo, Charles et Arthur […] Quand j’ai vu l’annonce officielle j’ai de suite pensé à lui."
2007 : Nicolas Moni (Jana Racing) :
"Pour moi c’est une suite logique parce que dans toutes les équipes dans lesquelles il est allé que ce soit en karting ou en voiture, il a toujours anesthésié ses équipiers. Lorsque nous l’avions en minimes c’était une petite catégorie, c’était pour jouer. Ensuite il les a toujours battu et on l’a très bien vu chez Prema Racing ou chez ART GP. Il a toujours eu énormément de talent. Nous avions du matériel que je qualifierais de moyennement performant. Grâce à lui, on a remporté le Championnat de France et les deux dernières courses de l’année. Il avait déjà une science de la course qui était beaucoup plus élevée que les autres et même encore plus que ceux dont nous nous occupons aujourd’hui, c’est à dire dix ans après.
Il a toujours eu une vision et une construction de la course qui était bien à lui. Jamais anxieux, jamais stressé, toujours des questions intelligentes et il savait déjà motiver son entourage au maximum.
Pour ce qui est d’un souvenir je pense surtout à Soucy où il s’est battu comme un diable pour gagner la dernière course du championnat de France alors que nous arrivions en outsiders. Il a finalement été ultra dominateur et il a gagné la course. Sur un plan plus personnel, on se souvient surtout de lui lorsque nous allions en vacances à la Clusaz.
Il grimpait dans le chalet à dix mètres de haut et il faisait beaucoup rire. On a encore des vidéos et des photos de cette époque et c’est vraiment de très bons souvenirs."
2008 : Ludovic Veve (Ludo Racing) :
"Je suis très fier de Charles et j’ai toujours une photo de lui dans mon atelier depuis 2010. J’ai Gasly, Leclerc et Roussel. J’ai eu de la chance, je suis tombé dans une bonne période puisque je les ai repérés avant de les prendre et de les envoyer directement chez Sodikart. Les deux familles n’avaient pas vraiment les moyens et je me suis dit qu’il fallait directement les envoyer dans des équipes d’usine. Charles a toujours été au-dessus du lot. J’ai eu Gasly et Charles en tant que pilotes et ils ont toujours été un cran au-dessus. Je dois même dire que Charles était plus fort que Pierre.
Je l’avais dit à Sodikart, d’ailleurs. Il n’avait que 10 ans et on ne faisait pas de séance d’essais, rien. On posait le kart, on s’occupait de lui mais il a toujours été plus fort que les autres. Il a tout gagné de toute façon.
Vous savez, Charles c’est un garçon gentil, poli, travailleur, bref il a toutes les qualités. Je ne pense pas qu’il prendra la grosse tête chez Ferrari.
’est vraiment dommage que son père n’ait pas vu tout ça mais il doit être vraiment très fier de son fils."
2009 et 2010 : Gildas Merian (Sodikart)
"Je suis très heureux pour lui parce qu’il a toujours été un super pilote, très rigoureux et très consciencieux. Le voir arriver en Formule 1 et maintenant chez Ferrari, est une grosse fierté pour nous. Ce qui me vient tout de suite à l'esprit, c'est qu’il était très travailleur, très déterminé et il savait remercier ses mécanos quand il gagnait une course. Même s’il était encore très jeune, c’est quelque chose qui était naturel chez lui. Un très grand pilote avec une grande générosité."
2011 : Mirko Sguerzoni (Intrepid) :
"Je pense qu’avec sa grande maturité, Charles n’aura aucun problème pour franchir le cap entre Sauber et Ferrari. En 2011, il est devenu champion du Monde avec nous avec une maturité bien supérieure à la moyenne des enfants de son âge. Je l’ai aussi suivi dans les catégories supérieures, son talent et sa maturité ont encore augmenté, sa manière de gérer la pression est incroyable. Je pense aussi que Ferrari est en train de changer et de se remettre au goût du jour. Leur philosophie est en train de changer car ils sont toujours voulus protéger le mythe Ferrari en ayant des pilotes très expérimentés. L’âge d’entrée en Formule 1 s’est énormément abaissée au cours de ces dernières années et les grands champions peuvent maintenant être très jeunes. Alors je sais que Vettel est énormément protégé mais je ne pense pas qu’il fera une énorme différence avec Charles sur la piste. De plus, ce serait stupide de leur part de brider un gros talent comme lui. Moi je pense qu’il sera très rapide tout de suite. Même avec la presse Italienne qui est très exigeante, il est très fort mentalement et n’aura aucun souci à gérer ça.
Quand on me parle de lui, je me rappelle toujours du mondial KF3 à Sarno. Il avait une telle détermination pour faire la pole, pour construire sa course et pour la gagner, je n’avais jamais vu ça. Il voulait arriver à l’objectif qu’il s’était fixé et rien ne pouvait l’en empêcher. D’un autre côté, Charles est très intelligent, très bien éduqué, il parle avec tout le monde. Que ce soit au travail ou dans la vie de tous les jours. Il a toujours été très gentil avec tout le monde. Après lui, j’ai eu Verstappen et si on doit les comparer, c’est un peu comme si Charles était un Prost et Verstappen un Senna. A l’époque, comme aujourd’hui, Charles était très calculateur, il prenait absolument tout en compte, il construisait très bien sa course. Verstappen n’est pas méchant mais il est beaucoup plus agressif en piste.
Il réfléchit moins et pilote plus à l’instinct. Il pouvait être plus rapide, mais dans l’approche de la course Charles était beaucoup plus fort. Evidemment, maintenant qu’ils sont tous les deux en Formule 1, ils ont encore changé mais à l’époque, c’était ça."
2012 - 2013 : Armando Filini (ART GP) :
"Je suis très content surtout parce que c’est Jules qui me l’a fait découvrir. Un jour, il est venu chez Maranello Karting avec Charles, il me l’a présenté en me disant de le faire courir car il avait un très bon coup de volant.
Il s’est bien débrouillé et nous l’avons gardé un peu en 2010 avant de l’avoir totalement chez nous (ART GP) en 2012 et 2013. Vous savez, Charles et Jules étaient comme deux frères. Ils avaient la même soif de victoire et les moteurs n’étaient jamais assez puissants ! (rires)
Quand on me parle de lui, je pense au garçon qui pensait que le moteur n’était jamais bien, que le châssis n’était pas bien, que les mécaniciens n’étaient pas bons et la seule chose qui l’intéressait c’était de mettre au moins une seconde à son équipier. S’il n’y avait pas cette seconde-là, il n’était pas content ! (rires). Il voulait sans cesse aller plus vite. Sinon, c’est une très belle personne. Il reste toujours avec ses mécaniciens pour parler après les courses et aujourd’hui encore, il envoie des messages à ses mécanos de l’époque. Même s’il est en Formule 1, il ne les a jamais oubliés. Pour lui, ils font partie de sa famille. De plus, si je dois être vraiment sincère, que ce soit au niveau humain ou sportif, je n’ai plus retrouvé de pilote comme lui. J’ai énormément de mal à trouver de vrais pilotes qui veulent vraiment travailler au maximum. Maintenant les jeunes pilotes arrivent avec des valises remplies d’argent et ne font qu’une année en junior, une année en KF et ils veulent de suite passer à la Formule 1.
S’ils ont besoin d’expérience, il doivent rester un an ou deux de plus en kart mais eux, ils préfèrent suivre l’exemple de Verstappen, qui lui, a un réel talent, comme Charles. Il y a aussi les gens qui sont matures à 15 ans, d’autres qui ne le sont pas avant 25. Vous pouvez racheter toutes les écuries que vous voulez comme l’ont fait Stroll avec Williams ou Latifi avec McLaren mais si le pilote est mauvais il peut racheter toutes les écuries qu’il veut, il ne sera jamais devant. C’est ça le problème."
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